Rappel
Quelques concepts de base
Le “mode de pensée économique” repose sur deux hypothèses de base concernant le comportement des individus et des entreprises.
Hypothèses clés
La rareté
Nous supposons que les ressources sont “rares”. Cette hypothèse devrait être assez intuitive. En effet, nous ne disposons pas d’une quantité illimitée de temps, d’argent, de compétences, d’énergie, etc. pour répondre à tous nos besoins et désirs. Nous devons donc faire des choix quant à l’utilisation de nos ressources limitées. Devrions-nous commencer à travailler ou devrions-nous plutôt passer notre temps limité à la maison en regardant un film, en lisant des livres ou en aidant maman dans ses tâches ménagères, etc.
Parce que nos ressources sont limitées, les utiliser pour certaines choses (comme passer du temps à la maison) implique nécessairement que nous renoncions à faire autre chose (comme travailler sur le marché du travail pour gagner un salaire). En d’autres termes, chaque décision potentielle concernant l’utilisation de nos ressources a un coût, que nous appelons “coût d’opportunité”. Dans notre exemple “travail contre maison”, le coût d’opportunité de rester à la maison plutôt que de trouver un emploi est le salaire que nous obtiendrions sur le marché du travail : passer notre temps à la maison signifierait que nous renonçons à un salaire.
Le coût d’opportunité
Pour être plus précis, les économistes définissent le coût d’opportunité comme la valeur de la deuxième meilleure alternative disponible. Ainsi, pour reprendre notre exemple précédent, supposons que vous ayez d’excellentes compétences entrepreneuriales pour créer une nouvelle entreprise vous permettant de réaliser 20 000 euros de bénéfices. Bien entendu, au lieu de vous mettre à votre compte, vous pourriez aussi travailler pour une entreprise qui vous paierait, par exemple, 3 000 euros par mois. La deuxième meilleure alternative au fait de passer son temps à la maison plutôt qu’au travail serait alors de créer sa propre entreprise. Ainsi, dans ce nouveau scénario, le coût d’opportunité de passer tout son temps à la maison serait de 20 000 euros par mois.
Dans ce cours, nous n’aborderons pas le travail indépendant, même si la proportion de travailleurs indépendants est importante dans les pays en développement comme dans les pays développés.
La rationalité
Nous supposons que les individus et les entreprises essaient d’être aussi bien lotis que possible. Les individus essaient d’utiliser leurs ressources de manière à être aussi heureux qu’ils peuvent se le permettre (nous appelons cet objectif “maximisation de l’utilité”), et les entreprises essaient d’obtenir autant de profits que possible (“maximisation du profit”).
Modèles et prévisions économiques
Les économistes utilisent des modèles pour faire des prédictions générales sur le comportement des personnes et des entreprises lorsque les choses changent dans leur environnement. Dans ce cours, nous parlerons principalement des changements dans les salaires et les revenus non liés au travail découlant des politiques de sécurité sociale (par exemple, les paiements mensuels versés aux personnes sans emploi et les frais de garde d’enfants subventionnés).
Les modèles économiques n’ont pas pour but de prédire le comportement de chaque individu ou entreprise, mais plutôt de prédire les tendances générales observées à grande échelle. Par exemple, supposons que le gouvernement commence à offrir de l’argent aux personnes sans emploi. Nous pourrions nous poser la question suivante : quel est l’impact de ce soutien financier sur la volonté des gens de chercher du travail ? Mais nous n’essaierons pas de répondre à cet impact pour Victor Hugo ou Elena Ferrero vivant à Clermont-Ferrand. En revanche, nous pourrions être intéressés à étudier les effets du soutien financier sur différents groupes de personnes, comme les jeunes et les personnes âgées à la recherche d’un emploi, ou les hommes et les femmes. La raison en est que les facteurs clés qui déterminent si les gens choisissent de travailler et de s’investir dans la recherche d’un emploi (tels que les salaires, les revenus non salariaux et les préférences) peuvent varier d’un groupe de personnes à l’autre. Si les gens ont le choix entre différentes options et qu’ils les apprécient différemment, ils peuvent avoir des comportements fondamentalement différents.
Les modèles reposent sur des hypothèses, et deux hypothèses fondamentales formulées par les économistes sont celles de la rareté et de la rationalité. Bien sûr, nos hypothèses peuvent ne pas être réalistes, mais ce n’est pas non plus leur raison d’être. Tant que nos hypothèses nous permettent de saisir l’essentiel et de faire des prédictions que nous pouvons tester et valider, nous aurons progressé dans notre compréhension du fonctionnement du monde. *Les “faits” peuvent donc nous aider à repenser nos modèles. Si nous n’observons pas vraiment ce qu’ils prédisent, nous pourrions bien reconsidérer nos hypothèses.
Dans ce cours, nous essaierons de vérifier les faits (ou du moins certains faits). Bien entendu, la validation de nos prédictions par un ou deux faits n’implique pas que notre modèle soit vrai (il se peut que nous ayons eu de la chance et que nous ayons trouvé une histoire correcte pour de mauvaises raisons). Néanmoins, un élément de preuve favorable nous conforte dans l’idée que notre modèle peut effectivement être utile pour expliquer des faits dans le monde (ou, du moins dans le cadre de ce cours, des faits sur le marché du travail).
L’économie positive et l’économie normative
Avant de conclure ce chapitre, il convient de souligner la différence entre l’économie positive et l’économie normative.
L’économie positive répond à des questions telles que “Quel est l’effet d’une aide financière aux chômeurs sur leur décision de reprendre le travail ? Cependant, elle ne répond pas à des questions telles que “Devrions-nous augmenter l’aide financière aux chômeurs ? Cette dernière relève de l’économie normative, qui implique de porter des jugements de valeur sur le type de société que nous voulons, plutôt que de simplement prédire comment l’aide financière pourrait modifier les incitations au travail des gens. Même si la théorie et les faits suggèrent que cette aide décourage certains chômeurs de retourner au travail, nous pouvons toujours penser qu’il faut l’offrir. Par exemple, nous pouvons penser que le fait de fournir une assurance revenu à ceux qui reprennent le travail vaut bien les coûts de dissuasion créés pour ceux qui ne le reprennent pas.