Assurance Chômage

Application des Politiques I : Assurance Chômage

L’assurance chômage vise à protéger les travailleurs contre la perte de revenus. Néanmoins, ce soutien au revenu peut les décourager de reprendre le travail. Pour faire face à ces potentiels effets dissuasifs sur le travail, l’assurance chômage est généralement accordée sous les contraintes suivantes.

  • Critères d’admissibilité : Pour être éligible à l’assurance chômage, vous devez avoir été licencié par votre employeur et avoir travaillé pendant une durée minimale.

  • Générosité des prestations : La générosité de l’assurance chômage s’articule autour de deux dimensions :

    • Niveau des prestations : L’assurance chômage remplace généralement un pourcentage fixe de vos revenus précédents, bien que ce pourcentage puisse diminuer progressivement au fil du temps.

    • Durée : L’assurance chômage est souvent limitée dans le temps. Elle est versée pour des périodes plus longues à ceux qui ont travaillé plus longtemps dans le passé (qui ont de plus longues périodes de cotisations) et à ceux qui sont plus âgés.

  • Conditionnalité des prestations : Les bénéficiaires de l’assurance chômage sont souvent tenus de remplir un ensemble de conditions pour conserver leur droit aux prestations.

Par exemple, vous pouvez être tenu de justifier tout refus d’emploi et de participer à des programmes de formation et à des entretiens de conseil. De plus, vous pouvez également devoir prouver que vous recherchez activement un emploi.

Nous allons maintenant explorer pourquoi l’assurance chômage peut réduire les incitations au travail et comment les contraintes mentionnées ci-dessus pourraient être justifiées. Nous commencerons par utiliser le modèle néoclassique travail-loisir que nous avons vu dans le chapitre précédent. Ensuite, nous utiliserons la théorie de la recherche d’emploi.

Pourquoi encore une autre théorie pour comprendre comment l’assurance chômage modifie les incitations au travail ?

Le modèle néoclassique travail-loisir suppose implicitement qu’un individu peut trouver un emploi immédiatement s’il choisit d’entrer sur le marché du travail. Dans ce modèle, l’individu doit simplement choisir entre entrer dans la population active ou rester en dehors. Choisir d’entrer signifie être employé, tandis que rester en dehors signifie ne pas avoir d’emploi ni en chercher un (malgré la capacité de travailler).

Le modèle exclut donc l’existence du chômage. Par conséquent, discuter de l’assurance chômage dans ce cadre néoclassique pourrait sembler incohérent. Pourtant, malgré cette limitation, ce cadre peut nous donner une première idée des effets de l’assurance chômage sur les incitations des gens à travailler.

Plus tard, nous introduirons la théorie de la recherche d’emploi, qui repose sur l’hypothèse plus réaliste que la recherche d’un emploi prend du temps et des efforts.

L’assurance chômage et la décision de travailler : Le modèle néoclassique travail-loisir

Comme dans le chapitre précédent, nous supposons toujours ce qui suit :

  1. L’individu (travailleur) aime consommer des biens $(C)$ et des loisirs $(L)$, comme le capture la fonction d’utilité : $$U(C,L)$$

  2. Il a des ressources limitées (temps et revenu) : $$T = L + h$$ $$C = V + wh$$ ce qui donne la contrainte budgétaire suivante : $$C = (V + wT) - wL$$ où :

    $T$ : temps total disponible (pendant une période donnée),

    $h$ : heures de travail,

    $V$ : revenu non salarial,

    $w$ : le salaire.

  3. Il choisit $C$ et $L$ de manière à maximiser son utilité étant donné sa contrainte budgétaire.

Imaginons maintenant que le gouvernement introduise une allocation chômage $b$. Par conception, cette allocation est conditionnée au fait de ne pas travailler. Le revenu non salarial serait alors égal à $V+b$.

Les figures suivantes illustrent l’effet de cette allocation sur les incitations de l’individu à rejoindre la population active.

Sans allocation:

<em>Sans allocation</em>

Avec allocation:

<em>Avec allocation</em>

Elles montrent son choix optimal sans et avec l’allocation.

L’allocation chômage $b$ modifie la contrainte budgétaire de l’individu en déplaçant son point de dotation de $E_{0}$ à $E_{1}$. Néanmoins, une fois qu’il entre sur le marché du travail, sa contrainte budgétaire revient à celle d’origine.

Ce type d’allocations peut conduire certaines personnes à quitter la population active. Comme illustré dans la figure, l’individu est en effet mieux loti en ne travaillant pas et en réclamant des allocations qu’en travaillant pour un salaire $w$ (comme il le faisait auparavant).

L’assurance chômage augmente le salaire de réserve de l’individu en améliorant son point de dotation. Son nouveau salaire de réserve $w^{r}_{1}$ est plus élevé que celui qu’il avait initialement, $w^{r}_{0}$, lorsqu’aucune allocation ne lui était offerte.

Cette augmentation du salaire de réserve réduit donc la probabilité que les travailleurs à bas salaires choisissent de reprendre le travail. Il est important de noter que nous pouvons faire cette prédiction sans aucune hypothèse sur les préférences des travailleurs à bas salaires. Nous ne disons pas vraiment qu’ils arrêteront de travailler parce que le loisir a beaucoup plus de valeur pour eux. Nous disons simplement que, étant donné leur rendement du travail plus faible (salaire plus bas), ils peuvent se trouver mieux lotis en s’appuyant sur l’assurance chômage plutôt qu’en restant sur le marché du travail.

Pour fixer les idées, il peut être utile de refaire notre analyse précédente mais avec un changement mineur. Supposons que l’allocation de chômage offerte à l’individu est égale à son revenu du travail précédent. Ce niveau de prestation lui permet essentiellement de consommer autant qu’avant mais sans avoir besoin de travailler, ce qui augmente forcément son niveau d’utilité.

La figure ci-dessous illustre ce cas.

L’individu atteint une utilité plus élevée sur son nouveau point de dotation $E_{1}$ car il peut dépenser autant d’argent qu’avant pour des biens, tout en profitant de plus de loisirs (en fait, de tout le loisir qu’il peut avoir !). Cette allocation généreuse augmente son salaire de réserve au-dessus de son salaire de marché antérieur $(w^{r}_{1}>w).$ Rappelez-vous que le salaire de réserve est le salaire qui laisse l’individu indifférent entre travailler et ne pas travailler.

Étant donné les préférences de l’individu illustrées dans la figure, une allocation juste en dessous de $b^{\prime}$ le protégerait contre la perte de revenus tout en l’encourageant à reprende le travail. En effet, une telle prestation l’assurerait presque entièrement contre la perte de revenu en lui permettant d’atteindre quasiment le même niveau d’utilité qu’auparavant. Cependant, cette allocation maintiendrait toujours son incitation à reprendre le travail : travailler lui permettrait d’atteindre son utilité initiale $U^{*}_{0}$, alors que ne pas travailler et recevoir une allocation juste en dessous de $b^{\prime}$ ne le permettrait pas.

En pratique, cependant, déterminer la valeur de $b^{\prime}$ est un défi. Les travailleurs ont des préférences différentes, ce qui signifie que l’allocation optimale pour maintenir les incitations au travail varie. Les décideurs politiques doivent donc se contenter de fixer l’assurance chômage comme une fraction des revenus précédents et de la lier à des exigences de recherche d’emploi et autres, qui sont souvent difficiles à mettre en œuvre.

Autres programmes sociaux : Allocations sociales permettant de travailler

Les allocations de chômage sont un type d’allocations sociales offertes à condition de ne pas être employé. Ces allocations sans travail peuvent être reçues en raison d’un licenciement (comme dans le cas de l’assurance chômage), d’une blessure temporaire au travail ou d’une invalidité permanente. Elles peuvent également être reçues en cas de pauvreté, telle que définie par un seuil de revenu minimum fixé par le gouvernement.

Quelle que soit la raison pour avoir droit à ces allocations, elles augmentent toutes le salaire de réserve de leurs bénéficiaires et diminuent donc la probabilité qu’ils (ré)intègrent le marché du travail (en particulier s’ils occupent des emplois à bas salaires). Mais que se passerait-il si les personnes pouvaient encore se qualifier pour ces prestations, au moins partiellement, même si elles reprenaient le travail ?

Bien que cette allocation ne serait plus qualifié d’assurance chômage, il est toujours instructif d’examiner comment elle pourrait affecter les incitations au travail. Considérons deux cas :

a) Le travailleur perd 50 centimes des allocations $b$ pour chaque euro gagné sur le marché du travail, et

b) Le travailleur perd un euro des allocations $b$ pour chaque euro gagné, mais seulement tant que son revenu est inférieur à un certain seuil.

Cas A :

La figure suivante illustre le premier cas.

La figure montre le choix optimal du travailleur sans et avec allocations (paniers $A$ et $B$, respectivement). Étant donné les préférences du travailleur illustrées dans la figure, il est mieux loti avec $B$ qu’avec $A$. En d’autres termes, il préférera continuer à bénéficier des allocations et à travailler moins d’heures qu’auparavant. Par conséquent, ces allocations sociales peuvent également créer des désincitations au travail en encourageant les gens à travailler moins d’heures qu’ils ne l’auraient fait en l’absence d’allocations.

Pourquoi ? Ces allocations modifient la contrainte budgétaire de deux façons. Premièrement, elles déplacent le point de dotation de $E_{0}$ à $E_{1}$, créant un effet de revenu qui augmente la demande de loisirs du travailleur et diminue ses heures de travail. Deuxièmement, elles diminuent la pente de la contrainte budgétaire. En effet, le fait que le travailleur perde 50 centimes des allocations pour chaque euro gagné implique que son nouveau salaire net est de 50% de celui qu’il avait initialement ($w$ dans la figure). Cette “taxe” de 50 pour cent sur le revenu du travail réduit le coût d’opportunité du loisir, créant ainsi un effet de substitution : le travailleur choisit de consommer plus de loisirs et donc de travailler moins.

Cet exemple simple suggère que les prestations sociales peuvent non seulement réduire la probabilité que les bénéficiaires travaillent mais aussi le nombre d’heures de travail de ceux qui choisissent de rejoindre la population active.

Cas B :

Considérons maintenant le deuxième cas, où le travailleur perd un euro des allocations pour chaque euro gagné en travaillant. Ce cas, illustré ci-dessous, est celui d’un programme d’aide sociale visant à garantir un revenu minimum (égal à $V+b$ dans la figure). Si la personne éligible ne travaille pas, elle reçoit $b$, ayant ainsi un revenu total de $V+b$. Sinon, le gouvernement lui verse le montant nécessaire pour atteindre le revenu minimum. Une fois ce seuil atteint, la personne n’est plus éligible à cette aide sociale.

Comme précédemment, la figure montre le choix optimal du travailleur sans et avec allocations (ensembles $A$ et $B$, respectivement). Comme illustré dans la figure, le travailleur est mieux loti avec le panier $B$ qu’avec $A$. C’est-à-dire qu’il est plus heureux de réclamer des allocations et de rester inactif que d’abandonner l’aide sociale et de travailler autant qu’il le faisait ou qu’il l’aurait fait en l’absence de cette aide.

Ce résultat ne devrait pas être surprenant étant donné celui que nous avons discuté précédemment. En effet, nous représentons les préférences du même travailleur, avec la même contrainte budgétaire initiale et le même niveau d’allocation $b$. Comme auparavant, cette allocation crée un effet de revenu réduisant les heures de travail. Néanmoins, le gouvernement prend maintenant un euro au lieu de 50 centimes des allocations du travailleur pour chaque euro qu’il gagne (et tant qu’il est éligible à l’aide sociale). C’est-à-dire que le gouvernement impose maintenant le salaire du travailleur à un taux de 100 au lieu de 50 pour cent ! Cette taxe de 100 pour cent induit un énorme effet de substitution : le coût d’opportunité du loisir tombe à zéro, décourageant ainsi les bénéficiaires de l’aide sociale de travailler !

Avant de clore ce chapitre, il vaut la peine de noter que les désincitations au travail que nous avons discutées précédemment peuvent ne pas se produire avec des salaires de marché plus élevés ou des préférences plus faibles pour le loisir. Les figures suivantes illustrent le rôle de ces dernières dans le cadre des allocations visant à garantir un revenu minimum.

Préférence plus élevée pour le loisir:

Préférence plus faible pour le loisir:

Elles montrent le choix optimal de loisir pour un travailleur ayant une préférence relativement élevée et faible pour le loisir. Ces travailleurs ne diffèrent que par leurs préférences et non par les contraintes budgétaires auxquelles ils font face avec et sans allocations. Comme le montre la figure, les travailleurs ayant une faible préférence pour le loisir peuvent ne pas changer du tout leur décision de travailler, même si on leur offre des allocations $b$. En effet, le travailleur représenté sur la deuxième figure maximise son utilité en travaillant $T-L^{*}_{1}$ heures, au lieu de demander l’aide sociale.

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